La confusion règne à Yaoundé comme dans le reste du Cameroun. Alors que la Commission nationale de recensement général des votes a publié, lundi 20 octobre, des résultats plaçant le président sortant Paul Biya en tête de la présidentielle du 12 octobre 2025, son principal rival Issa Tchiroma Bakary conteste ouvertement ces chiffres et revendique la victoire. Sur fond de méfiance, de colère populaire et d’appels à la retenue, le pays retient son souffle à l’approche de la proclamation officielle du Conseil constitutionnel, prévue pour le 26 octobre.
Paul Biya crédité de 53,66 % des voix selon la Commission
La Commission nationale de recensement général des votes, organe chargé de compiler les résultats conformément aux textes du Conseil électoral, a annoncé tard dans la soirée du 20 octobre que Paul Biya, candidat du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), arrive en tête avec 53,66 % des suffrages exprimés.
Il est suivi de Issa Tchiroma Bakary (coalition Union pour le Changement 2025) avec 35,19 %, Cabral Libii avec 3,41 %, et Bello Bouba Maïgari avec 2,45 %.
Ces résultats sont issus de la compilation des procès-verbaux transmis par les 58 commissions départementales. Les 33 membres de la Commission doivent désormais transmettre leur rapport au Conseil constitutionnel, seul habilité à proclamer les résultats définitifs.
Issa Tchiroma revendique 54,8 % et accuse le pouvoir de fraude
Mais pour Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre et chef du Front pour le Salut National du Cameroun (FSNC), les chiffres officiels ne reflètent pas la réalité des urnes.
Sur ses réseaux sociaux, il a publié une fiche intitulée “Tendances des résultats compilés de l’élection présidentielle 2025”, affirmant que ses propres compilations, réalisées sur un échantillon de 18 départements représentant 80 % de l’électorat, le placent en tête avec 54,8 %, contre 31,3 % pour Paul Biya.
Suite à la compilation des résultats donnés au sortir des urnes et rendus publics par ELECAM le soir du 12 octobre, compilés par nos soins sur un échantillon des 18 départements constituant 80 % de l’électorat camerounais, celui donné vainqueur avec près de 54,8 % contre 31,3 % est S.E. M. Issa Tchiroma Bakary. Le peuple peut désormais fêter sa victoire car nous avons gagné », a-t-il déclaré sur sa page Facebook
Il ajoute :
On ne négocie pas la liberté d’un peuple qui souffre. C’est moi qui vous tends la main, prenez-la pour une transition apaisée.
Cette publication a été accompagnée d’un visuel détaillant les tendances régionales et d’un message de condoléances adressé à la famille d’une militante décédée, avec la phrase :
Quand on s’accroche au pouvoir au prix des vies et de l’oppression, ça ne finit jamais bien
Réactions du pouvoir et montée de la tension
Le RDPC, parti au pouvoir, a qualifié les propos de Tchiroma de “grotesque canular”, dénonçant une tentative de manipulation de l’opinion publique. Le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a, de son côté, condamné une “attitude conspirationniste et anti-républicaine”, promettant que ces agissements seraient traités avec “rigueur et fermeté”.
Depuis la diffusion de la fiche et des vidéos de contestation, des manifestations spontanées ont éclaté à Yaoundé, Douala et Garoua, faisant plusieurs blessés et interpellations. Les autorités locales appellent au calme, tandis que des organisations de la société civile réclament la transparence du processus électoral.
Une proposition de sortie de crise ?
D’après plusieurs sources locales, Paul Biya aurait mandaté le gouverneur du Nord, Jean Abaté Edi’i, pour approcher Issa Tchiroma Bakary.
Accompagné d’émissaires, il lui aurait proposé le poste de Premier ministre, en échange d’un apaisement des tensions et de la promotion de certains de ses proches au sein du gouvernement. La rencontre aurait eu lieu à Garoua, au domicile de l’ancien ministre, en fin de semaine dernière.
Un pays suspendu à la décision du Conseil constitutionnel
Le Cameroun se trouve désormais dans une phase d’attente critique. Entre les résultats officiels provisoires qui donnent Paul Biya vainqueur, et la revendication de victoire d’Issa Tchiroma, le climat politique est électrique.
Le Conseil constitutionnel, appelé à trancher le 26 octobre, détient désormais la clé d’une transition apaisée… ou d’une crise ouverte.
Entre continuité et changement, le Cameroun joue peut-être l’une des pages les plus décisives de son histoire politique récente.