Gendarme de profession, le MDL Chef Kiplé était en poste à Gohitafala, ville de l'ouest de la Côte d'Ivoire. Ce jour-là, il était 2 heures du matin lorsque les premiers tirs retentirent près du lieu d'habitation de la famille, non loin des institutions locales telles que la mairie, la sous-préfecture ou le collège Bad.
La crise ivoirienne politico-militaire qui a débuté le 19 septembre 2002, a marqué un tournant dramatique dans l'histoire du pays, laissant derrière elle une série de tragédies et de pertes humaines. Parmi les nombreuses victimes de ce conflit complexe se trouvait le MDL (Maréchal des Logis) Chef Kiplé, dont la fille, aujourd'hui adulte, raconte l'histoire de sa mort. La nuit du dimanche 6 au lundi 7 juin 2004 restera gravée à jamais dans la mémoire de la fille du MDL Chef Kiplé.
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Il était déjà en tenue de service, se préparant à rejoindre sa patrouille qui devait assurer le contrôle sur la route de Bouaflé. Son véhicule de service, une 4x4 double cabine de la gendarmerie, était souvent garé dans leur garage, à côté de sa Audi A3 blanche.
"5h il faisait un peu jour. On entendait des voix à côté de la maison, une voix de femme comme si cette dernière indiquait les lieux. Les pas sont arrivés devant le portail , le chien a commencé à aboyer, on entendait quelqu’un sauter par dessus la clôture puis il ouvrait la porte pour les autres (...) Mon père est sorti de sa chambre. On entend un tir de sommation au salon. Je crois que quand il a vu le nombre, il a trouvé une cachette", explique-t-elle.
Le courant de retour, les rebelles fouillèrent toutes les pièces de la maison à la recherche du MDL Chef Kiplé, sans succès. Pendant l'occupation rebelle, la fille dut mentir pour protéger sa famille, affirmant que leur père n'était pas un gendarme et que la maison appartenait à leur oncle instituteur. Elle maintint sa version malgré les menaces de violence et la terreur qui régnait dans la maison.
Les heures passèrent et le chef rebelle finit par faire sortir le MDL Chef Kiplé de sa cachette. Malheureusement, la tragédie s'abattit sur la famille lorsque le chef rebelle tira sur le père sous les yeux de ses enfants. Les autres rebelles l'attaquèrent également, le laissant agonisant.
"Papa s’est écroulé. Ils ont pris les trousseaux de clés des véhicules, ils sont partis. Ma petite sœur et moi sommes passés dans le sang de papa pour aller refermer la porte. Nous sommes revenus ; il agonisait en faisant un bruit dans la gorge, DIEU merci il vivait encore(...) J’ai attrapé papa par les hanches, ma sœur par les pieds puis on le tirait , il criait doucement doucement tellement ses blessures lui faisait mal", continue-t-elle.
Ayant trouvé refuge chez un instituteur et père d’une amie de classe, elle et sa sœur ont fini par conduire la force licorne à leur maison. Le MDL Chef Kiplé fut emmené sur une civière par les forces françaises et, malgré les soins prodigués, il décède des suites de ses blessures.
Le témoignage de la fille du MDL Chef Kiplé est un rappel poignant des horreurs de la guerre et de la résilience extraordinaire de ceux qui ont survécu à de telles épreuves. Son histoire est également un hommage à son père, un homme courageux qui a fait tout ce qui était en son pouvoir pour protéger sa famille et son pays.
Elle conclut son récit en exprimant son amour pour son père et en espérant un avenir meilleur, tout en soulignant qu'elle ne juge pas tous les individus en fonction de leur origine ethnique.