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“Et si l’une des premières constitutions venait d’Afrique ? Découverte de la Charte du Mandé.”

Oubliez la Magna Carta et le Bill of Rights : la Charte du Mandé, proclamée en Afrique de l'Ouest en 1236, est l'une des plus anciennes déclarations des droits de l'homme et constitutions au monde, un testament éloquent à la sagesse politique africaine précoloniale.
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I. Qu’est-ce que la Charte du Mandé (Kurukan Fuga) ?

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Quand on évoque les constitutions, les droits humains ou la gouvernance moderne, l’Afrique n’est pas toujours le premier continent qui vient à l’esprit. Et pourtant, dès 1236, au cœur de l’Empire du Mali, un texte fondateur fut proclamé : la Charte du Mandé, ou Kurukan Fuga, qui peut être considérée comme l’une des premières constitutions au monde. Cette tradition constitutionnelle, transmise oralement par les griots, démontrait déjà une réflexion profonde sur les droits, l’organisation sociale et la gouvernance, bien avant l’ère coloniale.

La première constitution africaine

La Charte du Mandé est attribuée à Soundiata Keïta, fondateur de l’Empire du Mali. Après sa victoire à la bataille de Kirina en 1235, Sundiata réunit chefs de clans, notables et griots sur la plaine de Kurukan Fuga pour établir les règles qui garantiraient la paix et la cohésion entre les peuples mandingues.
Plutôt qu’un texte écrit, la Charte était transmise par la parole, ce qui lui permettait de s’adapter tout en conservant ses principes fondamentaux : justice, solidarité, respect des anciens, organisation sociale et protection des plus vulnérables.

Des droits humains avant l’heure

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La Charte comprenait environ 44 articles, dont plusieurs sont frappants par leur modernité :

  • « Toute vie est une vie » affirmant la sacralité de la vie humaine et l’interdiction d’attenter à la vie d’autrui.

  • « On ne maltraite pas l’étranger » garantissant hospitalité et protection des visiteurs.

  • « Les arbres et les animaux sont à protéger » une préfiguration du respect de l’environnement.

Concernant l’esclavage, la Charte ne l’abolissait pas totalement, mais en imposait des limites strictes pour protéger les individus et les familles, ce qui représentait une avancée morale considérable pour le XIIIᵉ siècle. Elle garantissait également la liberté de circulation, le droit de parole, et établissait un cadre clair pour la répartition des ressources et l’organisation des clans et castes.

1236 : quand Sundiata Keïta unifia le Mandé

La Charte encadrait la gouvernance de l’Empire : le roi (Mansa) devait administrer avec justice et équité, consulter les chefs de clan pour les décisions majeures, et protéger les plus vulnérables. Elle introduisait un proto-parlement et réglementait même la gestion des ressources naturelles.
Chaque principe avait une utilité concrète : maintenir l’ordre, prévenir les abus, préserver l’équilibre social et écologique. Ce texte représentait donc à la fois un outil politique, moral et juridique, inédit pour son époque.

Une reconnaissance internationale : l’UNESCO

En 2009, la Charte du Mandé a été inscrite au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Cette reconnaissance signifie que le texte n’est pas seulement important pour le Mali ou l’Afrique de l’Ouest : il est désormais considéré comme un élément précieux de l’héritage humain mondial. L’inscription UNESCO contribue à préserver la mémoire orale, à valoriser les griots comme gardiens de la tradition, et à sensibiliser le public international à l’existence de systèmes juridiques sophistiqués en Afrique précoloniale.

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Un héritage toujours vivant

La Charte du Mandé continue d’être utilisée aujourd’hui, non pas comme loi officielle, mais comme référence morale et culturelle. Parmi les usages contemporains :

  • Dans certaines communautés mandingues (Malinkés, Bambara, Soninké, Dioula, Khassonkés), elle sert de guide pour résoudre les conflits locaux, notamment les litiges fonciers ou familiaux.

  • Ses principes inspirent encore des processus de réconciliation sociale au Mali et en Côte d’Ivoire.

  • Elle a influencé, dans une certaine mesure, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (1981), notamment sur la protection des droits collectifs et de la communauté.

  • Elle est enseignée dans certaines écoles pour valoriser la tradition politique et juridique africaine, rappelant que le continent a développé des systèmes de gouvernance sophistiqués bien avant la colonisation.

Redécouvrir l’histoire politique africaine

La Charte du Mandé prouve que l’Afrique n’a pas attendu l’Europe ou le monde moderne pour concevoir des règles juridiques et protéger les droits humains. En combinant justice, solidarité et équilibre social, elle incarne une philosophie politique avancée, applicable encore aujourd’hui dans la vie communautaire et la mémoire culturelle.
Redécouvrir la Charte du Mandé, c’est reconnaître et célébrer un héritage africain ancien, vivant et universel, longtemps méconnu.

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