Ces dernières années, Abidjan retrouve des ambiances d’antan : soirées consacrées à la musique des années 80-90- 2000, dress codes rétro, lieux “vintage”, DJ sets qui replongent dans les classiques. On les appelle « old school nights », « old school vibes », soirées rétro, etc. Est-ce simplement un retour vers le passé ? Ou bien une tendance qui répond à des aspirations actuelles profondes ? Ce retour mérite qu’on s’y attarde.
Un phénomène bien réel
Plusieurs faits montrent que ces soirées ne sont pas simplement anecdotiques.
On trouve régulièrement des annonces de soirées nommées Old School, Old School Vibes, Old School Moment ou Hip Hop Old School à Abidjan. Des organisateurs comme Motown, Black House ou encore d’autres promoteurs indépendants mettent au programme des DJ sets dédiés aux grands classiques d’hier, revisités avec une touche actuelle. Les lieux branchés bars, lounges et salles événementielles ont aussi adopté la tendance. Le Jade Bar & Lounge, par exemple, propose régulièrement des afterworks old school qui attirent une clientèle variée.
Et le public est bel et bien au rendez-vous : looks rétro, chorégraphies d’époque, refrains chantés en chœur… On y vient pour revivre les ambiances d’autrefois mais aussi pour partager un moment entre générations. Beaucoup apprécient aussi le côté accessible de ces soirées, avec des tarifs souvent raisonnables et une ambiance conviviale qui tranche avec les fêtes plus mondaines.
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Pourquoi ce retour ?
1. Un besoin d’ancrage et d’authenticité
Dans un monde où tout change à une vitesse folle, les soirées old school offrent une forme de stabilité. Elles rappellent un temps où la musique se savourait sans filtre, où les liens humains passaient avant les stories Instagram.
2. Un cycle naturel de la culture populaire
Ce qui était “old” hier redevient tendance aujourd’hui. Les jeunes générations redécouvrent les morceaux qui ont marqué leurs aînés, tandis que les plus anciens y retrouvent une part de leur jeunesse.
3. Une alternative à la fête standardisée
Face à des soirées parfois jugées trop “formatées”, l’univers old school séduit par sa simplicité : pas besoin d’artifices, juste du bon son, des souvenirs et une ambiance bon enfant.
4. Une dimension sociale et intergénérationnelle
Ces soirées créent un véritable pont entre générations. Les uns transmettent, les autres découvrent — et tout le monde danse. Ce brassage culturel renforce le sentiment d’unité et de continuité dans la culture urbaine abidjanaise.
Le contexte africain et abidjanais
Le phénomène des soirées old school ne se limite pas à Abidjan. On observe des mouvements similaires à Lagos, Dakar, Accra ou même Paris, où les diasporas africaines recréent les ambiances de leurs années dorées. Ces soirées fonctionnent comme un miroir de la mémoire collective urbaine africaine : elles célèbrent les époques qui ont vu naître des styles devenus emblématiques le coupé-décalé, le makossa, le zouglou, le RnB, ou encore l’afrobeat originel.
Mais à Abidjan, ce retour a une résonance particulière. La ville a toujours été un carrefour culturel, un laboratoire musical où les influences africaines et occidentales se sont entremêlées. Après les indépendances, la jeunesse abidjanaise a construit sa propre modernité à travers la musique, la mode et la fête. Les soirées old school actuelles réactivent cet héritage : elles rendent hommage à une époque de créativité foisonnante, marquée par l’espoir, la liberté et l’affirmation d’une identité urbaine africaine.
Elles ne sont donc pas qu’un “retour en arrière” : elles racontent aussi l’histoire d’une génération qui a façonné les codes de la modernité africaine, bien avant l’explosion du numérique et des réseaux sociaux.
Les limites du phénomène
Comme toute tendance, celle-ci comporte ses risques. Certaines soirées surfent sur l’effet “rétro” sans réelle identité, se contentant de quelques sons anciens sans ambiance cohérente. D’autres deviennent trop exclusives, perdant l’esprit populaire qui fait justement leur charme. Et si la nostalgie domine trop, le public finira par chercher à nouveau la nouveauté.
Nostalgie ou nouvelle ère ?
Le succès des soirées old school prouve que ce mouvement va au-delà d’un simple effet de mode. Il s’agit d’un retour à la mémoire collective, d’une volonté de célébrer la musique qui a façonné l’identité urbaine d’Abidjan et, plus largement, de l’Afrique moderne.
Les organisateurs qui sauront mixer passé et présent, revisiter les classiques avec créativité et garder cette authenticité festive, feront de cette vague rétro une tendance durable.
Les soirées old school à Abidjan ne se contentent pas de faire revivre le passé : elles le réinventent. Elles rappellent qu’avant les playlists automatiques, il y avait les DJ passionnés ; avant les stories, il y avait les sourires partagés sur la piste. Plus qu’une mode, c’est une réappropriation culturelle, un hommage vibrant à une Afrique urbaine qui, de Dakar à Abidjan, continue d’écrire son histoire au rythme du bon son.
Entre héritage, musique et modernité, Abidjan n’a pas fini de danser.