Une capitale pas comme les autres.
Première capitale politique et économique de la Côte d’Ivoire (1893-1899), Grand-Bassam est une ville historique unique. Carrefour des cultures, elle garde les traces de ses peuples fondateurs, les Abouré Êhê, installés à Moossou et les N’zima Kôtôkô, établis au Quartier France. Tous deux originaires du Ghana, ils ont légué à la ville leurs traditions, leurs rivalités, mais aussi un patrimoine commun.
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D’où vient le nom Bassam ?
Selon les Abouré, le nom viendrait de Alsam (“la nuit est venue”), tandis que pour les N’zima, il dériverait de Bazouam (“aide-moi à porter ma charge”), souvenir des échanges anciens avec les navires marchands.
Carrefour d’échanges et de conquêtes
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Dès 1470, Bassam attire navigateurs portugais, français, néerlandais et anglais. Lieu d’escale et de commerce (ivoire, huile de palme, épices, mais aussi esclaves), il devient en 1842 un poste stratégique pour la France, qui y érige le Fort Nemours. En 1893, Bassam est proclamée capitale de la Côte d’Ivoire, symbole de son rôle économique et administratif.
Entre épidémies et déclin économique
Mais la ville connaît aussi des drames : une épidémie de fièvre jaune (1899-1903) décime la population et provoque le transfert de la capitale vers Bingerville en 1900, puis Abidjan en 1933. L’ouverture du canal de Vridi (1950) achève de déplacer l’activité commerciale vers Abidjan, plongeant Bassam dans l’ombre.
La marche des femmes : un tournant historique
Le 24 décembre 1949, Grand-Bassam devient le théâtre d’une lutte décisive. Des centaines de femmes, venues d’Abidjan et des villages voisins, marchent sur la prison coloniale pour exiger la libération des leaders du RDA. Cette répression brutale reste dans la mémoire collective comme la Marche des femmes de Grand-Bassam, symbole de la lutte pour l’indépendance. Le pont qui en fut témoin est désormais appelé Pont de la Victoire.
Un patrimoine vivant inscrit à l’UNESCO
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Aujourd’hui, Grand-Bassam séduit autant par son histoire que par son charme : rues bordées de manguiers, maisons coloniales, musée du costume installé dans l’ancien palais du gouverneur, fêtes traditionnelles… Son inscription au patrimoine mondial en 2012 reconnaît son témoignage exceptionnel sur la période coloniale et le dialogue culturel qu’elle incarne, ainsi que son urbanisme caractéristique des comptoirs africains.
Une ville de célébrations et de traditions
Grand-Bassam est aussi une ville festive, rythmée par ses traditions et ses célébrations. Chaque année, la fête de l’Abissa, célébrée par les N’zima, attire des foules venues de tout le pays et d’ailleurs : c’est un moment de danse, de retrouvailles et de satire sociale, où la communauté règle ses comptes dans la joie et la vérité. Moossou, village abouré, perpétue quant à lui ses propres fêtes coutumières, comme celles dédiées aux esprits protecteurs et aux rites initiatiques (La fête de génération ). À côté de ces traditions, la ville accueille aussi des festivals modernes, des défilés de mode, des événements artistiques et des fêtes de plage, témoignant de son ouverture et de sa vitalité culturelle.
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Grand-Bassam n’est pas qu’un décor du passé. C’est une ville vivante, témoin des luttes, carrefour culturel, et aujourd’hui encore un lieu où s’écrit l’avenir de la mémoire ivoirienne.