Leçon d’Histoire: Qui est Léopold II cité dans la punchline du rappeur Elow'n : « Comment avoir les bras longs quand le système nous a Léopold II »
La punchline d’Elow’n « Comment avoir les bras longs quand le système nous a Léopold II » frappe par sa force poétique, mais surtout par la profondeur historique qu’elle convoque. Derrière cette rime se cache tout un pan de l’histoire africaine que beaucoup connaissent mal : celui du règne sanglant de Léopold II sur l’État Indépendant du Congo. En une seule phrase, le rappeur relie les violences coloniales du passé aux entraves systémiques d’aujourd’hui. Comprendre cette référence, c’est comprendre comment l’histoire continue de façonner le présent, et pourquoi les métaphores du rap conservent un pouvoir de vérité aussi puissant. Cet article propose justement de remonter le fil de cette mémoire, pour éclairer la portée réelle de cette punchline et le mécanisme d’oppression auquel elle fait référence.
1. Qui était Léopold II ?
Léopold II était le Roi des Belges de 1865 à 1909. Son infamie historique provient de son rôle de propriétaire personnel de l'État Indépendant du Congo (EIC) de 1885 à 1908.
Souvent perçu en Belgique comme le « roi bâtisseur » grâce aux fonds amassés au Congo, Léopold II était un souverain-entrepreneur. Il utilisa des manœuvres diplomatiques pour acquérir un territoire 76 fois plus grand que la Belgique lors de la Conférence de Berlin en 1885. Il est le maître d’œuvre d’un système de brutalité, ayant dirigé l'EIC depuis Bruxelles et mis en place un système d'exploitation d'une brutalité reconnue comme l'un des plus grands crimes de masse de l'histoire moderne.
2. L'exploitation du caoutchouc et l'ivoire
Le régime léopoldien s'est organisé autour de l'exploitation intensive du caoutchouc et de l’ivoire. Les populations congolaises étaient soumises à un régime de travail forcé sous la surveillance de la force publique, une milice dont l'unique objectif était d'assurer la productivité.
Chaque village, chaque homme, femme et enfant, avait un quota fixe de caoutchouc à livrer régulièrement. Le non-respect de ces quotas entraînait des punitions collectives et individuelles d'une cruauté extrême.
3. L'amputation : un système d'horreur
L'expression d'Elow'n, « Comment avoir les bras longs quand le système nous a Léopold II », fait directement référence à la pratique la plus barbare et symbolique de ce régime : les amputations de mains.
Ce système d'horreur était lié au contrôle des munitions. Pour surveiller les esclaves et justifier la quantité de caoutchouc livrée, les soldats de la Force Publique devaient faire des comptes-rendus très stricts sur l'utilisation de leurs munitions.
La Preuve du tir : Pour chaque balle manquante ou utilisée, le soldat devait rapporter une main droite humaine coupée comme preuve qu’il avait tiré sur un esclave qui tentait de fuir, ou même d'un innocent tué pour faire un exemple.
Motivation et terreur : Ceux qui rapportaient le plus de mains recevaient des primes. Ceux qui n’en rapportaient pas assez étaient fouettés ou exécutés. Cette pratique a conduit à la mutilation systématique de villages entiers, y compris d'enfants. Le bilan macabre du régime est estimé à la mort de plus de 13 millions de Congolais en seulement 23 ans, rayant quasiment la moitié de la population de la carte.
La résistance congolaise face à l'oppression
Il est crucial de noter que la résistance venait aussi des Congolais eux-mêmes sous forme de révoltes, de refus de travail ou d'exodes massifs. Cette résistance interne a contribué, avec la pression internationale, à fragiliser le régime.
4. La Fin du régime et le devoir de mémoire
Ce régime d'horreur a pris fin en 1908 après une campagne de dénonciation internationale menée par des missionnaires, des explorateurs (comme George Washington Williams), et des activistes (tel E.D. Morel et Roger Casement). Face à la pression, le roi a été contraint de céder sa propriété à l'État belge, et l'EIC est devenu le Congo belge.
Des auteurs ont même écris des livres dessus comme " Les fantômes du roi Léopold"
L'expression d'Elow'n est un puissant devoir de mémoire et une critique acerbe du système actuel. Elle signifie que l’on ne peut pas espérer avoir du pouvoir, réussir ou atteindre ses objectifs (avoir les bras longs) dans un système qui, historiquement, a brisé, affaibli et mutilé nos peuples. Il s'agit d'une manière forte de dénoncer les inégalités structurelles qui empêchent toujours les populations d'atteindre leurs rêves, comme si l'on leur coupait symboliquement les bras.