Il était une fois, le 19 août 2006, Abidjan, capitale économique de la Côte d’Ivoire, était le théâtre d’une tragédie environnementale majeure. Un vieux tanker, le Probo Koala, battant pavillon panaméen et affrété par la société suisse Trafigura, déversait 528 mètres cubes de déchets liquides toxiques dans plusieurs quartiers de la ville. Ces substances, principalement issues d’hydrocarbures, contenaient des niveaux extrêmement élevés de soufre, rendant leur traitement coûteux et complexe. Revenons sur une page sombre de l'histoire de la Côte d'Ivoire.
Un désastre orchestré dans l’ombre
Initialement, ces résidus étaient destinés à être mélangés avec de l’essence pour être revendus en Afrique de l’Ouest, une manœuvre rappelant le scandale du "Dirty Diesel". Après le refus des autorités portuaires nigérianes de décharger le navire à Lagos, Trafigura se tourne vers la Côte d’Ivoire. Une société locale, Tommy, obtient dans des conditions douteuses un agrément pour traiter ces déchets. Quelques jours plus tard, des camions-citernes commencent à déverser ces substances toxiques sur une dizaine de sites autour d’Abidjan, sans aucune mesure de précaution.
Un impact humain et écologique dévastateur
Les conséquences de ces déversements sont immédiates et dramatiques. Les habitants des zones touchées souffrent de graves problèmes de santé : maux de tête, vomissements, difficultés respiratoires, et affections cutanées. Selon les chiffres officiels, 17 personnes perdent la vie et plus de 100 000 habitants sont affectés. Les émanations de gaz toxiques continuent de causer des dégâts bien après l’incident.

Une justice insuffisante
Face à la gravité des faits, Trafigura a été poursuivie en Côte d’Ivoire et à l’international. Cependant, les poursuites en Côte d’Ivoire ont été abandonnées en 2007 après un règlement à l’amiable de près de 200 millions de dollars. Une autre action civile intentée au Royaume-Uni au nom de 30 000 victimes a conduit à un accord de 30 millions de livres sterling. Malheureusement, ces indemnisations ont été en partie détournées, privant des milliers de victimes de leurs droits.
Des victimes toujours en quête de justice
Près de deux décennies après, la colère des victimes reste vive. Certaines souffrent de handicaps permanents tandis que d’autres ont perdu des proches. Les manifestations pour réclamer des réparations sont régulièrement dispersées par les forces de l’ordre. Les victimes dénoncent l’inaction des autorités ivoiriennes et les détournements des fonds d’indemnisation.
Un héritage toxique persistant
L’affaire Probo Koala symbolise l’impunité des multinationales face aux lois environnementales en Afrique. Alors que Trafigura continue ses activités à l’échelle mondiale, les populations abidjanaises subissent encore les conséquences d’un désastre qui aurait pu être évité. Ce scandale soulève des questions cruciales sur la justice environnementale et la protection des droits des populations vulnérables.

Depuis lors, les ivoiriens sont plus regardants sur le transport de substances dangereuses. Le cas du bateau Zimrida a créé du remue-ménage avant que les autorités ivoiriennes ne programment une réunion d'urgence et ne déclare la cargaison saine. Aussi, l'avènement des réseaux sociaux facilite la veille.